Le hammam



Bab Boujeloud - Fès

Que fait-on un jour de pluie à Fès alors que les ruelles de cette ville édifiée sur une longue pente sont comme des torrents? Eh bien, on va au Hammam se réchauffer. J'y étais déjà allé à Marrakesh et avait adoré l'expérience. Je pouvais maintenant comparer.

À Marrakesh, c'était le hammam 1000 et une nuits. Un hammam décoré de façon traditionnelle marocaine avec tapis et tentures aux couleurs rouges et chaudes. La salle d'attente était meublée de 4 divans confortable en lainages colorés. 
Un homme en costume sport que je crus d'abord être un client (ça allait être le masseur) me fit un discret bonjour de la tête et me dit sans sourire 'déshabille-toi' en me tendant un panier d'osier dans lequel j'allais mettre mes vêtements. Il me regarda pendant que je me dévêtais - petit malaise - et me dit à juste à temps 'garde le slip' (non, non, je ne mets pas de speedos, c'était un boxer mais ici ils appellent tout ça des slips). Il mît le sac dans un casier, me donna la clef, puis m'indiqua une porte qui s'ouvrait sur une salle de douches. Du cadre de la porte, il me fit signe de continuer jusqu'au fond. 
J'arrivai dans une petite salle embrumée et chaude (rien à voir avec les grandes salles avec piscines des bains turcs) où deux hommes en slips noirs et aux gabarits de lutteurs me saluèrent. L'un d'eux ouvrit une autre porte: 'hammam, va 15 minutes pas plus' dit-il. Le petit sauna vapeur faisait 5 mètres sur 3 et était si rempli de vapeur que j'eut peine à y discerner deux autres clients: un allemand et un japonais. J'y sua à grosses gouttes le temps requis, puis l'un des lutteurs vint me chercher. 
Je savais que c'était le moment du gommage, mais je ne savais pas encore c'était quoi exactement. Le lutteur me dit 'assis-toi!' d'une voix chaleureuse. Il m'endusitt de ce savon-pâte noir et graisseux à base de noyaux d'olives avec des mains fortes. Quel étrange sensation que de se faire frotter et laver le corps par quelqu'un d'autre que soi, et en public de surcroît! Il y mettait tant de force que c'était en fait un massage - le plus vigoureux que je n'avais jamais eu. Pendant ce temps, sur l'autre table, un autre client se faisait littéralement tordre le corps par l'autre lutteur. Oula! Souffrance devant! 
Une fois bien badigeonné, on m'expédia à nouveau dans le sauna quelques minutes. Ensuite, c'était le moment du gant de crin qui, avec l'aide préalable du savon noir, enlève toutes les peaux mortes du corps. Ça fait mal, des rouleaux de peaux se détachent du corps, mais ça fait du bien!! Ensuite shampoing à l'argile pour les cheveux et tout le corps. Douche et repos dans la salle dédiée à cet usage et où l'on me servit un thé à la menthe, bienvenu après toute cette sudation.
Ça, c'était à Marrakesh.
À Fès, on me recommanda le Spa Nausikaa, dans la ville nouvelle. Alors si celui de Marrakesh en était un de style traditionnel habitué de recevoir des touristes, celui-ci était tout épuré, moderne, mais destiné aux Fassis - les locaux!
C'est là que je compris que le lutteur de Marrakesh y avait été tout doucement avec ma petite peau d'occidental. Ici, à Fès, je cru saigner lorsqu'il me frotta avec le gant de crin. Et j'eus droit au traitement du tordage de corps que j'avais entraperçu et dont on m'avait épargné à Marrakesh. Il me pliait le corps de toutes les façons imaginables et essayait de me faire craquer - je ne suis pas de nature craquante - et je ne suis pas souple alors j'ai cru quelques fois que j'allais tout simplement casser. Mais bon, tout ça a fait tellement de bien!
Après, c'était le massage. À Marrakesh, c'était un homme. Logique, l'horaire de ce Hammam est divisée en deux, une partie du jour est dédiée aux hommes et l'autre aux femmes. 
A Fès, l'étage des massages est mixte; je fus surpris de me faire masser par une fille dans ce pays où il n'est pas polie pour un homme d'aborder une femme inconnue, ne serait-ce que pour un simple renseignement. Et aussi, eh bien, je ne sais pas pour les femmes, mais les marocains massent presque partout, ventre et pectoraux inclus. Egalement, dans les deux cas, on m'a massé longuement les jambes (super, parce que la marche est mon activité principale dans ce voyage). La masseuse de Fès, elle, m'a carrément massé jusqu'à l'aine, et l'intérieur des cuisses, et j'ai dû penser à toutes sortes de choses répugnantes pour ne pas être - disons - embarrassé. Cela dit, le contexte était totalement professionnel et elle n'était pas en train d'ouvrir une porte qui aurait mené à une autre sorte de massages. Soyez rassurés. C'est juste que je crois que les 'parties du corps privées' - celles qu'un masseur ne toucherait jamais - sont plus nombreuses et étendues chez nous. Et je fus donc surpris qu'une femme marocaine - super discrète d'ailleurs - soit aussi à l'aise à me tripoter partout de la sorte.
On ressort du hammam rose et lisse comme un sou neuf, détendu et invincible à la pluie qui tombe encore.

Fès sous la pluie



4 commentaires:

  1. :D
    Tu as maintenant une bonne idée de combien il faut souffrir pour être belle...

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  2. Et dans le désert, n'oublie pas de tracer un cercle de feu, t'asseoir au milieu et jaser avec le Diaoub.

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  3. "Diaoub" = diable, prononcé à la québécoise...
    (je tenais à préciser... :)

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  4. Merci pour la précision! je m'en allais partir une conversation avec un local en disant '' comme ça vous avez une divinité saharienne qui s'appelle le 'Dioub'?''

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