Lorsque le taxi m’a déposé à la place Moukef à Marrakesh, je me suis mis à rire tout seul tant le dépaysement me frappait comme une claque au visage. Ça bougeait de partout! Des mobylettes zigzaguaient autour du taxi, il y avait deux ânes surchargés de tapis qui semblaient fort mécontents tant ils brayaient juste à côté, des hommes en djellabas s’interpellaient joyeusement en traversant la place. Il était tard, mais c’était comme l’heure de pointe ici.
Place Moukef - le jour. Beaucoup plus relaxe...
Hisham, le sympathique conducteur qui m’avait cueilli à l’aéroport, alla chercher, pour la suite du trajet jusqu’à mon riad, un homme au visage plissé comme un papier journal chiffonné; «Le taxi ne va pas là bas! petite ruelle! Amin apporte la valise à toi au riad!». L’homme au visage chiffoné – Amin – embarqua ma valise sur une énorme brouette, qui à sa couleur, doit habituellement transporter de la terre ou quelque chose du genre. Je le suivis dans le brouhaha de cette place en constatant que j’étais le seul touriste; la place Moukef n’est certes pas la Place Jmaa El Fna, la grande place et centre touristique de Marrakesh. Nous pénétrâmes dans un ruelle, puis plusieurs succèdèrent, de moins en moins larges, de moins en moins éclairées. À un moment donné, la ruelle était si étroite que je me demandai si la brouette allait passer, et je dû même me pencher pour passer. Il faisait noir, et je me dis, bon dieu, où vais-je me retrouver, et vais-je pouvoir trouver le chemin du retour tout seul. Après un dizaine de minutes de marche, on arriva devant une lourde porte de bois. Je donnai 20 dirhams au porteur qui maugréa en regardant la somme.
On ouvrit sur une sorte de petit corridor anonyme et je me dis «tiens, ils m’ont fait entrer par la porte de derrière, ce qui explique le dédale de ruelles peu invitantes, probablement plus près de la place Moukef. La véritable entrée doit donner sur une ruelle plus grande qui mène facilement à la Place Jmaa el Fna. Abdelleh m’accueillit, souriant jeune homme à la voix haute perchée et qui prit ma valise plus grande que lui malgré mes protestations. Il sembla geler malgré son manteau d’hiver et me fit traverser les deux jardins du riad en s’excusant de la température, comme si j’allais mal juger le Maroc à cause du froid. En regardant l’endroit, je fus vite rassuré; je serai bien ici. Il me montra la chambre, le fonctionnement de la clim qui peut servir de chauffage et me donna un plan fait à la main pour me rendre à la grande place demain. Tiens, c’est tout simple ce chemin me dis-je. Rien à voir avec le chemin qu’on vient de faire. Ça confirme qu’il y a une autre entrée.
Le lendemain, je pris mon petit déjeuner sur la terrasse, il faisait beau et chaud, j’étudiai mon plan pour me rendre à la Grande Place et je me lançai vers la sortie du riad. Première surprise, il n’y avait bien-sûr pas d’autre porte d’entrée. Je constatai que le plan était très simplifié – huit changements de directions étaient représentés par une ligne droite, parce que les alternatives étaient des culs de sacs.
Je sorti néanmoins l’air sûr de moi et j’avançai d’un pas rapide, les mains dans les poches pour ne pas avoir l’air d’un magasineux. Un vieux monsieur en djellabas couleur chameau m’interpella. Il avait l’air sympathique, et il n’avait surtout pas l’air d’un vendeur. Que pourrait-il me vendre dans cette ruelle déserte, je n’étais même pas arrivé dans le souk! «Ha monsieur, monsieur! Viens ma maison, viens ma maison! Bon! Bon!!». J’avais entendu dire que des particuliers font de la cuisine pour des touristes, et que souvent c’est meilleur que dans les restaurants. L’expérience est dit-on inoubliable… Le monsieur avait une bonne bouille, je le suivis donc, il voulait sans doute me montrer son menu.
On arriva devant une voiture, et il me dit «bon! Bon!» puis me fit signe d’attendre, il ouvrit la porte d’une demeure, une vieille femme avec une dent en haut et deux en bas me fit un charmant sourire. Le monsieur me poussa à l’intérieur. S’ensuivit une visite de fond en comble de cette grande demeure, plutôt dans un piteux état, avec peu d’atouts, et si j’en avais eu l’intention, je n’aurais su comment la transformer en jolie riad hôtelier… à chaque dévoilement de pièce, le monsieur me dit «Bon!! Bon!! Pour toi! Pas cher! Tout pour toi! La tomobile aussi pour toi. 1500 dirhams. Par jour. Pour toi!» Et La dame d’acquiescer après chaque exclamation enthousiaste du monsieur.
Je cherchai une formule pour ne pas le blesser «très beau, Zwine! Zwine bezaf! Je vais y penser! Merci!» je me dirigeai vers la porte mais il me reprît par la main avec insistance! «Viens! Voir! voir!» en m’entraînant vers l’escalier qui mène sur le toit. Je me demandais comment j’allais m’en sortir. J’allais essayer encore un peu sans être méchant mais si ça ne fonctionnait pas, j’allais l’ignorer et sortir. «Je reviens dans un mois! Dans un mois je reviendrai vous voir. Là, j’ai déjà réservé pour ce séjour-ci. Au revoir!», fis-je en redescendant les escaliers. En sortant il mon montra l’agence juste en face; «lorsque tu reviens, va là!». Ok! Beslama! Bon, j’avais vraiment été lamentable.
J’allais devoir être bien plus allumé pour ne pas me faire enrubanner dans les souks de Marrakesh dans lesquels je n’avais pas mis encore les pieds.
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